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25 mars 2011 5 25 /03 /mars /2011 19:27

J’ai la conviction que, pour la première fois, l’élection présidentielle de 2012 ne se jouera pas seulement sur les propositions de réforme mais aussi sur la question du « comment ».

Beaucoup de Français sont conscients d’un changement d’époque, ils perçoivent la nécessité de transformations dans notre pays mais ils en ont peur. Ils seront donc prêts à se réfugier dans le statu quo, si nous nous révélons incapables de mieux les associer au changement. Dans un contexte de très forte défiance des Français à l’égard des politiques, des syndicats, des médias, alors que les marges budgétaires sont restreintes,  il ne suffit pas de dire ce qu’il faudrait faire. Il faut aussi expliquer comment nous comptons le faire. Le discours sur la méthode est indispensable pour lutter contre le scepticisme des Français.

C’est pourquoi j’ai récemment organisé, dans le cadre de Génération France.fr, un grand forum sur la gouvernance. Avec l’ensemble des intervenants et avec le public, nous avons tenté de répondre à une question très simple : comment faire de la réforme un choix partagé et assumé par une majorité de Français ? Cette question, c’est celle de la confiance en l’action publique. Voici quelques pistes pour la retrouver :

1/ Renouveler notre démocratie sociale

Syndicats faibles et donc tentés par la radicalisation, jeu de rôle dans les négociations Il est temps de sortir de la partition à laquelle se résume trop souvent le dialogue social aujourd’hui : les syndicats qui appellent à la grève, les manifestations, quelques blocages, et en fin de compte, c’est le gouvernement qui tranche. Pour cela, il est indispensable de redéfinir clairement les prérogatives de l’ensemble des acteurs.

C’est pourquoi, dès le début du quinquennat, je propose que soient lancées les « Assises de la nouvelle démocratie sociale ». Ces Assises viseraient à préparer une « loi-cadre »  qui définirait ce qui relève à 100% de l’Etat et de la loi ; ce qui relève à 100% des partenaires sociaux et de la convention ; et enfin, ce qui relève de compétences partagées entre l’Etat et les partenaires sociaux. En clair, il s’agit de revenir à l’article 34 de la Constitution qui précise que « la loi détermine les principes fondamentaux du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale. ». La Constitution parle bien des « principes fondamentaux », pas de l’heure de la pause café !

Un exemple ? La durée légale du travail. Pourquoi ne pas passer d’une durée légale du travail à des durées conventionnelles du travail, négociées par les partenaires sociaux, en fonction des besoins des entreprises et des attentes des salariés ? Les partenaires sociaux ne sont-ils pas mieux placés que les parlementaires pour définir l’organisation du travail ? Bien sûr, la loi pourrait intervenir en dernier ressort pour éviter les abus.

 

2/ Poser les bases d’une nouvelle citoyenneté active 

Les citoyens ne se contentent plus d’un vote tous les 5 ans pour exprimer leur avis. Le « top-down » ne marche plus… La révolution numérique a précipité l'émergence d'un citoyen nouveau, connecté et surinformé, qui souhaite participer à l'élaboration de la décision politique.

Pour créer un espace de débat, il faut au préalable construire des diagnostics partagés, sur la base d’expertises fiables. C’était un point majeur sur les retraites et la seule contribution que nous devons au PS : la création d’un Conseil d’Orientation, qui a fait un état des lieux accepté par tous. Il faut donc systématiser ce recours à un diagnostic partagé, en rationalisant les 719 instances consultatives placées auprès du Premier Ministre, puis en donnant aux parlementaires la possibilité de saisir directement les organismes experts qui travaillent aujourd’hui davantage pour le Gouvernement. La méthode des livres verts (la parole de toutes les parties prenantes concernées par une réforme) et des livres blancs (le bilan de la concertation) a aussi tout son sens en amont du travail parlementaire.

Le diagnostic partagé permet au Gouvernement, aux parlementaires et aux parties prenantes de mieux travailler … Il donne aussi les termes du débat aux citoyens ! Nous ne devons jamais craindre d’associer les Français directement à la réflexion et à la prise de décision.

Je propose donc de donner de nouvelles prérogatives à la Commission nationale du débat public pour en faire le lieu vivant du débat public en France. Aujourd’hui, elle ne peut être saisie que sur des questions d’aménagement du territoire ou d’équipement. Pourquoi ne pas lui demander d’organiser aussi des débats nationaux sur des sujets de société ? Vu le déficit de culture de la concertation en France, il est nécessaire de consolider une instance visible, garante des valeurs intrinsèques au débat - impartialité, respect de la parole d'autrui, liberté de participer à l'action publique. Le débat sur l’identité nationale aurait pris un tout autre sens s’il avait été organisé par la CNDP plutôt que par le ministère de l’immigration au sein des préfectures !

Mais le débat citoyen ne doit pas se limiter à des salles fermées avec un micro qui se balade : il a toute sa place sur Internet, à condition que des sites dédiés permettent de guider la discussion de manière constructive et d’assurer la visibilité de tous les points de vue. Mieux encore : je crois que c’est surtout dans le suivi des réformes et de l’administration que nous pourrions largement améliorer l’association des citoyens. Il ne suffit pas de leur demander la parole avant le vote d’une loi mais aussi après, pour nous dire comment elle est appliquée. Ce qui coince, comment l’administration l’interprète ; voilà qui serait une vraie avancée !

 

3/ Faire de l’évaluation une « hygiène de vie »  et s’assurer ainsi que l’action publique est bien au service des citoyens.

La dernière réforme constitutionnelle a permis de renforcer le Parlement en lui confiant la mission essentielle d’évaluer les politiques publiques. C’est très positif, mais le Parlement, dans son organisation actuelle, peine à se saisir de cette nouvelle tâche. Plutôt que de demander plus de moyens, je propose le rattachement de la Cour des comptes au Parlement, pour les missions d’évaluation et de contrôle. D’un côté, nous avons une institution qui publie des rapports de grande qualité sans parvenir à se faire entendre ; de l’autre, des parlementaires qui veulent savoir comment sont appliquées les lois qu’ils votent et qui ont le poids politique pour passer du constat à la proposition. Pourquoi ne pas rapprocher ses forces au service d’une action publique plus efficace ?

D’ailleurs je crois qu’il faudrait systématiquement prendre un moment, au milieu du quinquennat, pour faire une pause législative de 6 mois destinée à faire uniquement de l’évaluation et du contrôle. Fermer le robinet à lois permet mécaniquement de freiner l’explosion des normes. De plus, une pause forcée poussera le législateur à devenir pleinement un « évaluateur », ne serait-ce que pour garder de la visibilité...

Après vous avoir livré ces quelques propositions, j’attends vos observations ! L’essentiel pour moi, c’est que la réforme change de visage. Qu’elle ne soit pas vue comme une menace pour notre modèle social, mais comme une opportunité pour le défendre. Pour le promouvoir. Pour l’améliorer et le transmettre à nos enfants !

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